Paulo Nozolino "Loaded Shine"

Paulo Nozolino est sans conteste l’une des figures majeures de la photographie portugaise et européenne. C’est dans le Londres animé des années 70 qu’il débute son parcours. S’en suit une série de voyages en Europe, et dans les pays du monde arabe qu’il sillonne entre 1983 et 1995. Le récit de cette errance initiatique et solitaire est retracé dans Penumbra, un ouvrage où s’illustre les préoccupations politiques du photographe. En 2002, la Maison européenne de la photographie lui consacre une exposition rétrospective, Nada. En 2005, il est invité pour une nouvelle rétrospective (Far Cry) au Museu de Serralves de Porto, qui accueille pour la première fois le travail d’un photographe portugais. Les images présentées à la galerie ont été prises entre 2008 et 2013 à New York, Lisbonne, Paris, Berlin et les campagnes françaises et portugaises. Toutes décrivent verticalement une séquence d’objets, sans indice de lieu ou de temps. Nozolino a opté pour cette stricte verticalité il y a presque 20 ans, réduisant toujours plus son champ de vision à la recherche de l’essentiel. « Du pur » dirait-il. Depuis ses débuts, le photographe cultive une singulière écriture en noir et blanc, une densité sombre désormais indissociable de son œuvre. Si la lumière est bien présente, elle n’a pour véritable intérêt que de montrer le noir.



Paulo Nozolino est un fervent contemplatif et le plus souvent cette attitude lui sert à épurer l’image. Il photographie pour isoler et simplifier. Avec Loaded Shine, cette épuration s’opère par un arrêt sur le motif, une pause dans le noir. Parce qu’il prend son temps, son œil reconnait la charge symbolique et poétique des objets et des situations. Le talent est là, il dépasse la première impression et l’apriori pour en redéfinir les codes d’appréciation. Derrière ces objets oubliés, il est bien question de disparition mais c’est aussi surtout le refus du grandiose, l’apologie du quotidien, du banal et du pauvre. Une même lumière éclaire donc, sans distinction, la croix et les sabots d’un animal mort. Le sublime et le sacré semblent dès lors d’une étonnante simplicité, il suffit de regarder. Dans l’heure du Diable, Pessoa rappelait : « Je suis naturellement poète parce que je suis la vérité qui parle par erreur, et toute ma vie, finalement, est un système spécial de morale déguisé en allégorie et illustré par des symboles ». C’est avec cette même lucidité tragique et symbolique que Nozolino a composé Loaded Shine : il revoit et réattribue nos conceptions sur le connu à partir des malentendus possibles avec le réel. Dans cette série, il n’y a désormais plus de mots, seulement l’image pour témoigner de la perte et du délabrement. Pour Nozolino la photographie a à voir avec la poésie et Bone Lonely, paru en 2011 chez Steidl, est la preuve de leur inséparable lien. Il soigne ainsi son caractère mystique, quasi religieux, à la fois dans son attitude - celle d’un photographe en mission - mais aussi dans le résultat obtenu. 

Exposition Galerie Fille du Calvaire 
17 Rue des Filles du Calvaire
75003 Paris 
Du 10 Mars au 21 Avril 2018


Commentaires

Articles les plus consultés